Genève internationale: les salaires des employés fondent à cause des taux de change
Conjoncture - Effritement du dollar, plongeon de l’euro, coupes budgétaires des Etats en difficulté, tous ces éléments péjorent sérieusement la situation des employés d'organisations internationales à Genève.
© Olivier Vogelsang Ana Maria Cruz, secrétaire au Consulat du Portugal à Genève depuis 1983MARION MOUSSADEK - 26.10.2011
Moins 40%. C’est la baisse de pouvoir d'achat subie par les employés de la fonction publique portugaise à Genève et en Suisse. La faute aux coupes budgétaires drastiques opérées par le Portugal pour éponger sa dette abyssale. La faute aussi au taux de change euro - franc suisse qui a fini d’essorer la rémunération des représentations diplomatiques, toutes payées dans la monnaie d’origine du pays pour lequel elles travaillent. Résultat : tous les employés des Missions permanentes auprès de l’ONU, des consulats et des ambassades étrangères en Suisse font les frais de la fluctuation des devises. Quand ils ne paient pas, en plus, les pots cassés des budgets d’austérité de leur Etat acculé par la Troïka (Commission européenne, Fonds Monétaire international, Banque centrale européenne) à se serrer la ceinture. Et impossible de fuir la lessiveuse des devises, en vivant par exemple dans la périphérie française de Genève, car le personnel recruté par les Affaires étrangères d’un Etat a l'obligation de vivre sur territoire suisse. Témoignages de Genevois à la peine.
Mario Silva, employé à la Mission permanente du Portugal auprès des Nations Unies, 4 enfants, Meyrin «Je suis à l’agonie. Je ne sais pas comment je vais faire. J’ai 4 enfants. Voyez, c’est simple: l’imposition à la source opérée par l’Etat portugais est passée de 21 à 23%, les salaires de la fonction publique ont derechef été coupés de 10% au début de l’année (pour les salaires d’un certain palier), les cotisations pour la retraite ont augmenté de 1, 5 % et pareil pour l’assurance-maladie. Soit au total, une coupe brute d’une quinzaine de pourcents. Là-dessus, le change franc suisse-euro est catastrophique. Du coup, on en est presque à 40% de moins. Concrètement, en 2009, je gagnais 4 200 francs nets. Aujourd’hui, je viens de toucher à peine 3000 francs. Certains de mes collègues n’ont touché que 2700 francs ! Quand j’ai commencé ici il y a 20 ans, je touchais 3500 francs nets. Donc je gagnais plus il y a vingt ans en débutant qu’aujourd’hui!»
Ana Maria Cruz, secrétaire au Consulat du Portugal à Genève depuis 1983, 58 ans, Le Grand-Saconnex
«Nous venons de recevoir 97€ pour tout solde du mois de septembre. Car l’Etat a décidé de soustraire nos cinq semaines de grève en une seule fois, sans préavis. Moi, je peux encore aller piocher dans les économies – qui s’amenuisent au fur et à mesure depuis le début des coupes budgétaires en 2009 – mais j’ai des collègues de famille monoparentale qui n’ont pas un brin d’épargne devant eux. Comment vont-ils faire? On est affolés. On est assommés. Ce n’est plus une démocratie. C’est la dictature du FMI!»
Achilles Paparsenos, porte-parole de la Mission permanente de la Grèce auprès de l’ONU
«Nous avons subi une baisse d’environ 20% de notre salaire ces deux dernières années. Mais que voulez-vous, il faut absolument que la Grèce fasse des économies ! Nous devons participer à l’effort collectif. Mais c’est sûr que si vous avez un loyer haut, c’est dur dur. Toujours est-il que depuis que la Banque nationale suisse a fixé le taux plancher euro-franc suisse, on respire un peu mieux.»
Justin Dolan, adjoint au chef de l’ambassade d’Irlande à Berne
«L’équipe diplomatique irlandaise, comme les fonctionnaires sur place, ont été sujets à des variations d’honoraires à différents degrés, dépendant de l’échelle de rémunération de chacun. Par contre, les salaires des équipes helvétiques, couvertes par le code du travail suisse, n’ont pas été affectés »
Onusiens payés en dollars: les grosses pointures compensées, les retraités lésés
44% des retraités de l’ONU dans le monde sont payés en dollars. Le retraité onusien peut choisir de toucher sa retraite dans la monnaie de référence de la machine onusienne (le dollar américain), ou dans la monnaie locale du pays où il vit. Il a le droit de changer cette alternative une seule fois au cours de sa retraite. Un changement de cap qui est donc définitif. A l’Association des anciens fonctionnaires internationaux (AAFI) de Genève, on glisse sobrement: «Ces retraités payés en dollars ne sont actuellement pas à la fête.»
Du côté des actifs onusiens, les grosses pointures peuvent dormir sur leurs deux oreilles. La plupart bénéficie d’un système de compensation. Un mécanisme, appelé «post adjustment», corrige automatiquement les aléas des fluctuations des devises: «Le barème se base sur le coût de la vie locale. En l’occurrence ici, Genève. Chaque mois, le salaire en dollars s’ajuste sur cette grille de référence», explique Alessandra Vellucci, du bureau de presse de l’ONU à Genève. «Lorsque le dollar chute par rapport à d'autres monnaies, le "post adjustment" augmente pour pouvoir préserver le pouvoir d'achat des fonctionnaires», explicite la directrice du service de l’information de l’ONU à Genève, Corinne Momal-Vanian.
De son côté, l’OMS s’apprête à supprimer 300 postes à Genève. La faute à la baisse des donations des Etats membres. «La crise financière touche les pays qui eux-mêmes financent l'OMS, certains ont baissé leur contribution, et du coup, il y a un déséquilibre dans le budget», nous explique le service de communication de l’OMS.
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